ExtraitL’abbé Bridel

Louis Jean Marie Bridel est né le 17 Janvier 1880 à Martigné Ferchaud en Ille et Vilaine, fils de Jean Bridel, négociant et de Félicité Vivien. Issu d’une famille pieuse, il est confié à l’école chrétienne des frères de Martigné. Il continue sa scolarité au collège Saint Martin de Rennes de 1892 à 1898. Ensuite il effectue son service militaire dans un régiment d’infanterie de marine de Cherbourg avant d’entrer au grand séminaire d’Issy les Moulineaux. Ordonné prêtre à Paris en 1904, il complète ses études à Rome et obtient un doctorat en théologie. Il demanda un ministère prés de son diocèse d’origine et fut nommé en 1907 vicaire à Brielles, près de Vitré et puis, en 1908, sous-directeur du patronage de la sainte famille à Rennes. Entre temps, en 1905, la loi de séparation de l’église et de l’état est votée en France.

Abbe bridel livre abbe crublet

 

En 1909, il est nommé vicaire dans la paroisse de Saint Léonard de Fougères et découvre les conditions de vie des ouvriers de la ville.

L’abbé Bridel fut chargé de l’œuvre de la sainte famille et de la société sportive Le Drapeau. Il fut le fondateur de l’écho paroissial et du bulletin des œuvres sociales catholiques « Entre nous ». Rapidement, il fonde un cercle d’études. Seront formés les premiers militants tels que Jean Allain, premier président de l’union syndicale catholique en 1914, décédé au front lors de la guerre 1914/1918. (La grande salle de réunion de l’UP CFDT, rue Châteaubriant, porte toujours son nom).

Des conférences sont organisées devant les ouvriers de Fougères, notamment par Charles Broutin et l’abbé Bridel qui exposent les principes et les méthodes d’action du syndicalisme catholique, la situation créée par l’importance prise par les machines dans la vie des humains ainsi que les idées individualistes,…

Pour aider à l’amélioration du sort des ouvriers, par les ouvriers eux-mêmes, l’abbé Bridel s’est tout d’abord appliqué à leur donner une formation de syndicalistes convaincus et éclairés.

 

-Entre 1913 et 1914, apparaissent les premiers syndicats catholiques fondés par les hommes appartenant au cercle d’études :

*l’union syndicale,

*le syndicat professionnel des ouvriers catholiques de la chaussure de Fougères,

*le syndicat des employés du commerce et de l’industrie de la ville de Fougères

Et la mise en place de bureau de placement, caisse militaire et de trousseaux, conseil juridique, caisse de chômage,

La grande guerre (1914/1918) suspend cet élan. L’Abbé Bridel est lui-même mobilisé en novembre 1914. Les réunions des syndicats furent suspendues du 12 octobre 1914 au 27 Mai 1919.

-En septembre 1919, ce fut la création du syndicat de la verrerie (verriers de Laignelet) qui devint syndicat des verriers de Fougères

Immeuble 18 rue chateaubriand

 

Ayant leurs sièges, tout d’abord au 35 rue Nationale, l’abbé dota les syndicats d’une maison « ancien hôtel de Marigny », en 1918, à l’angle des rue Jean Jacques Rousseau et 18 rue Chateaubriand.

Ce fut un lieu de réunions du comité d’action sociale fondé en 1928 dans le but de faire l’union entre les syndicats et les coopératives, des conférences,...

Dans l’immeuble, se retrouvaient aussi un groupe de jocistes (jeunesse ouvrière chrétienne), des services administratifs (assurances sociales).

Les syndicats mettent en place des cours professionnels (dactylo, couture, …).

-A partir de 1919, sous l’impulsion de l’abbé Bridel et avec le concours des syndicats catholiques, tout une série de coopératives furent crées au service des travailleurs fougerais :

*l’Etoile Fougeraise fut la première : -société coopérative de consommation (un magasin central et six succursales) ouverte la veille de noël 1919.

 

Cheminee de la cristallerie gerard fourel

 

*En 1921, La Cristallerie fougeraise fut la première coopérative de production (fabrication de verres limonadiers, de carafes,).

Elle fut fondée à la suite d’une grève de 9 mois déclenchée à la verrerie de Laignelet suite à un conflit entre le patron et la section syndicale.

Les nombreuses démarches de l’abbé Bridel surnommé « le père de la cristallerie » aboutirent à sa création, redonna un emploi aux ouvriers licenciés de la verrerie de Laignelet ainsi que des logements. Dès 1924, la cristallerie pratique le système des allocations familiales, prime à la maternité, quête pour les vieux, …ainsi qu’un restaurant coopératif : le foyer familial.

 

Cite jean allain

 

*Fin 1921, début 1922 « Le Foyer Fougerais » : coopérative d’habitations à bon marché dont l’abbé Bridel prit la direction. Plusieurs cités virent le jour (environ 120 maisons) avec un petit jardin :

*la cité Jean Allain (quartier des Orieres),

*la cité de la Madeleine du nom du quartier,

*la cité de la Mare Bouillon (derrière la gare, près de la Cristallerie).

 

-En octobre 2022, création du syndicat du bâtiment et de l’ameublement

-En décembre 2022 la création du syndicat professionnel de la métallurgie et parties similaires.

-En 1924, à la suite de la reprise d’une entreprise en faillite, le « genet d’or » devint une coopérative de production de travaux de menuiserie, meubles bretons et modernes.

L’Abbé Bridel, fondateur des œuvres sociales, est nommé aumonier en 1924.

-En 1926 et 1927, suivirent la création de syndicats professionnels :*syndicat professionnel des ouvriers boulangers de la place de Fougères et *syndicat des cheminots.

Tous les syndicats catholiques s’affilièrent, au fil des années, à la CFTC (confédération française des travailleurs chrétiens créée en 1919) qui deviendra la CFDT (confédération française démocratique du travail) suite aux votes du congrès en 1964 de la perte de la référence chrétienne.

-Et après, bien des difficultés, *une banque coopérative industrielle et agricole, organisme assurant les maniements de fonds nécessaires au fonctionnement des coopératives.

-En 1928, « l’abeille fougeraise » coopérative ouvrière de production de chaussures : reprise d’une affaire en difficulté.

-Citons encore le cinéma « Familia » et la « Mésangére « société chargée d’organiser des colonies de vacances à Saint Briac.

Ont été créé aussi deux coopératives ouvrières de chaussures qui ne sont pas des œuvres de l’abbé Bridel mais des filiales de ses œuvres : l’Arvor et la Fourmi.

L’abbé Bridel eut à cœur non seulement d’améliorer les conditions de travail des ouvriers mais aussi leurs conditions de vie, a pris en compte tous les aspects de la vie dont les loisirs, le sport, la culture et aussi l’information par la presse. Ce fut une action collective avec des ouvriers formés à qui il a donné la fierté de faire par eux-mêmes, qu’il a guidé et conseillé jusqu’au bout de ses forces. Tous ces ouvriers qu’il surnommait « mes petits gars de Fougères ».

Le 3 Juillet 1920, L’abbé Bridel, en repos en suisse, écrivait : "il y a tant affaire au point de vue social à Fougères".

En fonction de ses convictions, l’abbé Bridel établit des relations avec l’abbé Trochu, co-fondateur de l’Ouest Eclair et l’abbé Mancel dans la création des syndicats de cultivateurs, tous les trois abbés démocrates liés par leur action progressiste dans le milieu ouvrier, rural et de la presse (Film documentaire du réalisateur Alain Gallet « les poissons rouges dans le bénitier).

Il s’appuiera sur l’encyclique Rerum Novarum relative à la condition des ouvriers promulgué par le pape Léon XIII en mai 1891 prônant une ouverture de l’église sur la société.

L’abbé Bridel reçut en 1931 le prix de l’académie française pour l’ensemble de ses œuvres sociales.

Extrait livre de l’abbé Crublet : « Développer chez les travailleurs les sentiments de leur responsabilité, fortifier leurs volontés, par l’éducation, et les rattacher aux intérêts généraux de la société en les associant étroitement aux délicats problèmes économiques. Tel était le labeur qui se présentait devant M. Bridel. C’était un rude travail dont peuvent se rendre compte ceux qui ont réalisé quelque chose. Il lui a fallu de longues années d’efforts et de luttes avant de faire des œuvres, pour créer la mentalité qui les rendait possibles et qui a changé d’une façon sensible l’esprit de la population ouvrière fougeraise. Il avait commencé par le cercle d’études pour agir sur l’ouvrier par l’ouvrier. Son idéal était de former des hommes convaincus que les œuvres ne valent que par les hommes qui les dirigent. »

Et ce labeur obstiné l’usa peu à peu et le fit mourir prématurément. En octobre 1933, il part en maison de repos du clergé puis est hospitalisé et rentre dans sa famille pour y mourir. L’abbé Bridel décède le 19 décembre 1933, à l’âge de 53 ans, à Martigné Ferchaud.

Lors du conflit social de 1932, durant les longs mois de grève, l’abbé se démena pour aider les ouvriers à nourrir leurs familles :

Mémoire orale : « Ah, il était chic. En 32, y’a eu une grande grève de 8 mois, y’avait pas d’allocations, y’avait rien du tout. Les gens mourraient de faim. Il avait téléphoné dans toute la France pour avoir des dons et alors il avait reçu beaucoup d’argent, de toute la France. Il avait écrit à tous les journaux de France. Ah c’était vraiment quelqu’un, un homme de cœur. Il était en avance sur son temps. C’était quelqu’un l’abbé Bridel »

La reconnaissance de la classe ouvrière à l'action de l'abbé Bridel (1880-1933) a conduit la population à honorer sa mémoire en réalisant un square avec sa statue, place Lariboisière, portant l'inscription suivante « La classe ouvrière reconnaissante » Sculpteur : Ch. Nitsch.

Inauguration statue

Mais malheureusement, la statue se dégrade au fil des années. Est-il possible de rendre de nouveau hommage à l’abbé Bridel aujourd’hui en se mobilisant pour la réparation de sa statue ??

Mémoire orale : Moi j’ai connu l’abbé Bridel, il nous a donné du pain. Ça me fait mal au cœur de le voir comme ça. Il a fait tant de bien à Fougères.

StatueDocument rédigé par Nelly (en partenariat avec l'association Retraités CFDT de Fougéres) sur la base des documents originaux des archives syndicales CFDT de 1914 à 1933 et archives de l'association La Siréne

pour la parution dans la revue de "Chrétiens de Fougéres" de Décembre 2023